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mercredi 30 mai 2018

Palmarès "chouette" du plus grand jury littéraire du monde, celui du prix Bernard Versele

Dessins de jurés du prix Bernard Versele 2018.



Rendez-vous incontournable de cette période de l'année, le prix Bernard Versele de la Ligue des Familles et son palmarès qui permettent de construire une impeccable bibliothèque jeunesse. Rappelons-en brièvement le principe: 25 albums et romans sont proposés à la lecture des enfants de 3 à 14 ans durant toute l'année scolaire. Pour leur confort, les titres choisis par un comité d'adultes sont répartis en catégories d'âge, de 1 à 5 chouettes, sans obligation de les respecter (un plus jeune peut aussi lire chez les grands, un plus âgé chez les petits). Les enfants votent ensuite pour le livre qu'ils considèrent comme le plus chouette. L'ensemble des votes, par bulletin (où il est possible aussi de commenter par dessin ou texte) ou par voie électronique, constitue le palmarès.

Petite baisse du nombre de votes cette année, 49.057, soit 6.000 de moins que l'an dernier (lire ici), 2.000 de moins qu'en 2016 (lire ici) mais 2.000 de plus qu'en 2015 (lire ici). Ce n'est pas inquiétant dans la mesure où tous les enfants qui ont lu ne votent pas nécessairement.

Pour cette 39e édition du prix, créé en hommage au psychologue Bernard Versele, trop tôt disparu, on décompte 522 bulletins venus de l'étranger et 2.518 votes par internet. Pour le reste, la répartition des votes entre les catégories reste stable: près de 15.000 en catégorie 1 chouette, 14.000 en 2 chouettes, près de 10.000 en 3 chouettes, 6.500 en 4 chouettes et 3.500 en 5 chouettes.

A noter que l''album lauréat en catégorie 1 chouette a remporté la moitié des suffrages! Les albums lauréat et label se sont eux aussi nettement distingués des autres en 2 et 3 chouettes. Un tiers des votes ont été pour les titres lauréats en 4 et 5 chouettes. Voilà un jury qui sait apprécier les choses!

Place au palmarès, cinq lauréats et cinq labels (deuxièmes prix) où l'école des loisirs règne avec quatre titres présents, La joie de lire en affichant deux.  Pas de remise officielle des prix cette année non plus. Sans doute l'an prochain, pour les quarante ans.


Dessins de jurés du prix Bernard Versele 2018.


Palmarès du prix Bernard Versele 2018

1 chouette


Lauréat 
"Train fantôme"
Adrien Albert
l'école des loisirs, 32 pages

Etre frôlé par des araignées géantes. Chatouillé par des cheveux de sorcière. Poursuivi par un tyrannosaure puis englouti par la gueule béante d'un monstre, avant de ressortir de l'autre côté, indemne, pour foncer au travers d'un nid de serpents, qui n'en a pas rêvé? Un tour en train fantôme: c'est ce qu'a demandé Lulu à sa grande sœur, en guise de cadeau d'anniversaire.


Label
"Pourquoi ça n'avance pas?"
Tomoko Ohmura
traduit du japonais par Jean-Christian Bouvier
l'école des loisirs, 44 pages

Il y a un immense embouteillage sur cette route. Que se passe-t-il pour qu'autant de véhicules, du tricycle à la grue restent bloqués? La file d'attente est si longue qu'on n'y voit rien. Les uns s'impatientent, les autres râlent. Les plus malins profitent de l'arrêt forcé pour prendre un bon livre au bibliobus, ou une belle crêpe au camion. Mais enfin, ça va durer longtemps, ce cirque? L'armée et la police sont mobilisées, les chaînes de télévision sont à l'affût… Nous ne sommes pas au bout de nos surprises…


2 chouettes 


Lauréat
"Course épique"
Marie Dorléans
Sarbacane, 32 pages

Un grand album chic et savoureux mené tambour battant, avec chute au sens propre... Elégantes à chapeau et mordus de paris se pressent à la barrière: c'est aujourd'hui la grande course. Sur le terrain, les jockeys se toisent, les chevaux piaffent et... PAN! c'est parti! Dans un grondement sourd, le peloton s'élance. La fantaisie prend vite le dessus: déjà, certains n'ont même pas pu prendre le départ. L'un sur un âne, l'autre sur une statue équestre, le troisième sur un jouet à bascule. Sans parler des concurrents aux positions peu réglementaires – disqualifiés eux aussi! Et quand la dernière ligne droite se profile enfin, un intrus fait piler tout le peloton dans un gigantesque carambolage... Aïe, ouille, badaboum! Mais comment cette course "épique" va-t-elle donc finir?

Label
"Qui a croqué le babouin?"
Julien Perrin et Fred. L
Alice Jeunesse, 32 pages

On se souvient tous de la fin malheureuse de l'enquête du sympathique babouin pour essayer d'identifier le propriétaire d'une dent acérée qu'il avait trouvée. Mais personne n'a transmis la mauvaise nouvelle au gorille. Qui arrive dans la savane, très inquiet de la disparition de son cousin et déterminé à le retrouver. Même décors, mêmes garde-robes complètement décalées pour les animaux et mêmes dialogues rythmés autour de la recherche. "Vous n'avez pas vu le babouin, par hasard?" Mais, dans sa quête, le gorille fait preuve d'un peu plus de perspicacité (et de prudence) que son cousin. Des retrouvailles très émouvantes concluent cet album original.


3 chouettes


Lauréat
"Bruno. Quelques jours de ma vie très intéressante"
Catharina Valckx et Nicolas Hubesch
l'école des loisirs, 96 pages

Bruno, le chat à casquette à carreaux, prend la vie comme elle vient. Il pleut trop pour sortir? Il improvise un pique-nique intérieur avec ses amis Michou le poney et Georgette la tourterelle. Il croise un poisson qui nage en l'air? Il le suit. Titi le canari mélange tous les mots au lieu de chanter? Bruno entame le dialogue. A bien y regarder, des jours comme ça, des jours pas comme les autres, Bruno en compte quand même un bon nombre, et ils suffisent à ce que la vie, soudain, prenne une saveur incomparable.

Label
"Crumble"
Michael Rosen et Tony Ross
traduit de l'anglais par Anne Leonard
Albin Michel Jeunesse, collection "Mes premiers Witty", 78 pages

Laurie-Anne pensait naturellement pouvoir choisir le chien qui lui plairait: elle ne s'attendait pas du tout à être choisie par celui-ci! Mais Crumble n'est pas un chien ordinaire et il a quelques questions à poser à sa future maîtresse. Les réponses de Laurie-Anne et, ses pas de danse suffiront-ils à convaincre Crumble d'être adopté?


4 chouettes


Lauréat
"Maarron"
Håkon Øvreås et Øyvind Torseter
traduit du norvégien par Aude Pasquier
La joie de lire, collection "hibouk", 160 pages

Aaron a deux amis, Norbert et Claire. Alors qu'il vient de perdre son grand-père, il construit avec ses copains une cabane qu'il compte peindre en marron. Pour cela, il a mis de côté des pots de peinture. Mais un jour, trois garçons plus âgés détruisent la cabane et se moquent méchamment d'Aaron. Ce dernier décide alors de se venger en peignant en marron les vélos de ses ennemis. Et pour agir, de nuit, il se transforme en un drôle de super-héros...

Label
"Yasuke"
Frédéric Marais 
Les fourmis rouges, 32 pages

L'histoire du premier samouraï à peau noire (lire ici).




5 chouettes


Lauréat
"Alcibiade"
Rémi Farnos
La joie de lire, collection "Somnanbule", 38 pages

Une fable mythologique et philosophique à la portée des petits! En des temps reculés, un beau matin, le petit Alcibiade quitte son village d'un pas décidé et part vers l'Est à la recherche du Grand Prophète. Il veut connaître son destin… Au cours de son périple, il fera la connaissance d'Assatour, le condor, qui deviendra son fidèle ami, et d'Akim le forgeron, qui lui vendra une armure qui grandit avec son propriétaire. Il traversera la terrible chaîne de montagnes des Lapages, sera pris dans une tempête de neige, se perdra dans un labyrinthe, combattra le minotaure… et finalement deviendra un homme. Une formidable fable peuplée de créatures mythologiques, un voyage initiatique et homérique et une mise en page ludique et peu conventionnelle. Tout ceci ponctué de dialogues extrêmement drôles...

Label
"Avant l'ouragan"
Jewell Parker Rhodes
traduit de l'anglais par Elodie Marias
l'école des loisirs, collection "Neuf", 228 pages

En Louisiane, tout le monde croit aux esprits. Lanesha, elle, a le don de les voir. "Tu es comme moi, ma chérie, tu as un don de double-vue", lui a expliqué Mama Ya-Ya, la sage-femme qui l'a recueillie à sa naissance. Mama Ya-Ya, savait qu'un ouragan approchait, bien avant que la radio et la télévision n'en parlent. Les dégâts seront incommensurables, répète le présentateur. Tous les habitants de la Nouvelle-Orléans doivent quitter la ville. Mama Ya-Ya est très âgée, et ne possède pas de voiture, alors Lanesha a fait des provisions d'eau et de nourriture, et a cloué des planches sur les fenêtres. Elle ne sait pas ce qui l'attend, mais elle se prépare de toutes ses forces à survivre. Avec TaShlon, le fils des voisins, avec le chien Spot qu'ils viennent d'adopter ensemble. Avec le fantôme silencieux de sa mère, qui est venu pour l'aider. Avec l'amour de Mama Ya-Ya, qui est incommensurable.



La sélection 2019

1 chouette

  • "Poto le chien", Andrée Prigent (Didier Jeunesse)
  • "Falgu le fermier va au marché", Chitra Soundar et Kanika Nair (traduit de l'anglais par Elisabeth Duval, Kaléidoscope)
  • "Oh, hé, ma tête!", Shinsuke Yoshitake  (traduit du japonais par Corinne Altan, Kaléidoscope) 
  • "Ma cabane de feuilles", Akiko Hayashi et Kiyoshi Soya (traduit du japonais par Corinne Atlan, l'école des loisirs)
  • "On a trouvé un chapeau", Jon Klassen (traduit de l'anglais par Jacqueline Odin, Milan)

 2 chouettes
  • "Le ruban", Adrien Parlange (Albin Michel Jeunesse, lire ici)
  • "Suis-moi!", Maja Kastelic (Alice éditions, collection "Histoires comme ça")
  • "Broutille", Anne Herbauts (Casterman)
  • "Capitaine Maman", Magali Arnal (l'école des loisirs)
  • "Le jardin de Madame Li", Marie Sellier et Catherine Louis (Picquier Jeunesse)

3 chouettes
  • "Un grand jour de rien", Béatrice Alemagna (Albin Michel Jeunesse, collection "Trapèze")
  • "La révolte des lavandières", John Yeoman et Quentin Blake (traduit de l'anglais par Catherine Denis, Gallimard Jeunesse)
  • "La fée sorcière", Brigitte Minne et Carll Cneut (traduit du néerlandais par Maurice Lomré, l'école des loisirs/Pastel)
  • "Profession crocodile", Giovanna Zoboli/Mariachiara Di Giorgio (Les fourmis rouges)
  • "Minute, papillon !",  Aurélie Valognes (Rouergue)

 4 chouettes
  • "Bruits", Marion Bataille (Thierry Magnier)
  • "Tout sur les tremblements de Terre", Matthieu Sylvander/Perceval Barrier (l'école des loisirs)
  • "Ma grand-mère est une terreur", Guillaume Guéraud (Rouergue)
  • "D'entre les ogres", Gilles Baum etThierry Dedieu (Seuil Jeunesse)
  • "De la terre à la pluie", Christian Lagrange (Seuil Jeunesse)

5 chouettes
  • "Y a pas de héros dans ma famille!", Jo Witek (Actes Sud Junior)
  • "Sally Jones. La grande aventure", Jakob Wegelius (Thierry Magnier)
  • "Naya ou la messagère de la nuit", Philippe Lechermeier et Claire de Gastold (Thierry Magnier)
  • "Mister Orange", Truus Matti (La joie de lire)
  • "La plus grande peur de ma vie", Éric Pessan (l'école des loisirs)


mardi 29 mai 2018

A découvrir, le regard de Folon photographe

Masque. (c) Fondation Folon,  ADAGP, Paris, 2018.

Aujourd'hui, je vais vous parler de Jean-Michel Folon (Bruxelles, 1934 - Monaco, 2005). Ne partez pas. En effet, l'idole des années 70 et 80 a sans doute lassé par la surabondance de ses petits bonshommes bleus chapeautés, ses oiseaux aux larges ailes et ses dégradés d'arc-en-ciel, déclinés en dessins, aquarelles, gravures, affiches, sculptures et autre chose encore. On en a presque oublié que Folon a été un grand artiste, un visionnaire pointant déjà alors l'individu coincé dans la société de masse, défendant inlassablement la liberté, célébrant la nature.

Mais aujourd'hui, je vais vous parler d'un aspect inédit de l'art de Folon. Car il a été un photographe terriblement intéressant, fixant sur la pellicule d'impeccables cadrages que son œil avait repérés. Il nous est permis de découvrir plus de deux cent cinquante de ses tirages en noir et blanc dans une très belle exposition, adroitement scénographiée, à la Fondation Folon (ferme du Château de la Hulpe). Ces photos proviennent notamment d'un legs à la fondation de la famille Folon après le décès en 2012 de sa deuxième épouse, Paola, née Ghiringhelli. Il y en avait des centaines et des centaines, nous dit Pauline Loumaye qui a monté l'exposition pour la Fondation. "C'est une matière super intéressante, qui fait écho à l'œuvre de Folon. Les thèmes de ses photos se retrouvent dans son travail pictural. Elles sont hyper esthétiques On y retrouve aussi des photos de la sphère privée, de l'entourage artistique de Folon." D'où le choix du titre de l'exposition: "Folon, photos graphiques".

Flèche. (c) Fondation Folon,  ADAGP, Paris, 2018.

On connaît la formule "pierre, papier, ciseaux". Chez Folon, il s'agit de "flèches, voyages, routes, villes, masques". Cette répartition en cinq thèmes préside à la scénographie de l'exposition, installée à l'étage de la deuxième partie de l'exposition permanente. Passée l'antichambre, le visiteur se trouve dans une pièce où sont projetées sur grand écran plus d'une centaine de photos réparties selon les cinq thèmes. De quoi avoir une vue d'ensemble sur ce travail aussi photographique que graphique. Suivent un film documentaire, "Court-circuit", une rencontre avec Folon, et deux extraits de films, "L'amour nu" de Yannick Bellon avec Marlène Jobert et Jean-Michel Folon et "La guerre est finie" d'Alain Resnais avec Yves Montand dont Folon a photographié le tournage.

Folon.
(c) Fondation Folon,  ADAGP, Paris, 2018 Ph. G. Soavi.
On arrive au "mur des amis", grands noms de l'art en différentes disciplines, preuve de l'émulation joyeuse qui régnait entre ces amis. La salle suivante présente des portraits de Folon pris par toute une série de photographes professionnels ou amateurs, Jeanloup Sieff, Jacques-Henri Lartigue, Henri Cartier-Bresson, Claude Gaspari, Pol Bury, Colette Portal...








Alechinsky.
(c) Fondation Folon, ADAGP, Paris, 2018.
On ne savait pas que Folon a photographié tout au long de sa carrière. Avec quel appareil? Mystère. Un reflex, assurément. Les photos présentées vont de la fin des années 50 aux années 80. Les premières du temps où il était marié avec la peintre Colette Portal dont plusieurs clichés et portraits sont présents aux cimaises. Ce qui frappe, c'est la cohérence graphique de l'ensemble de son œuvre. Et la force de son regard de photographe, saisissant l'humour au quotidien ou distillant ses messages.





Masque. (c) Fondation Folon,  ADAGP, Paris, 2018.

La dernière salle présente des tirages assemblés par thèmes. Les flèches évidemment, dont Folon a comptabilisé mille spécimens entre Bruxelles et Paris. Ces directions qu'on donne à suivre et qui amènent à réfléchir à la communication, à la sur-communication aussi. Les visages démasqués dans les objets du quotidien. Ces visages proches de son personnage à deux yeux, un nez et une bouche qui naissent de ses détournements d'objets ou de scènes de paysage. Les villes et les routes empruntées par ce grand voyageur. Des buildings new-yorkais à l'humain minuscule en passant par ces paysages si esthétiques, capturés aux Etats-Unis, en Italie, en Belgique, sans oublier les nombreux voyages de l'artiste aux quatre coins du monde. Sa vision des monuments d'Egypte est incroyable et l'énergie de la fête des morts au Mexique contagieuse.

Route. (c) Fondation Folon,  ADAGP, Paris, 2018.

Egypte. (c) Fondation Folon,  ADAGP, Paris, 2018.

Mexique.
(c) Fondation Folon,  ADAGP, Paris, 2018.

Saul Steinberg.
(c) Fondation Folon,  ADAGP, Paris, 2018.
On découvre enfin une impressionnante série de portraits, amis, personnalités du monde de l'art, les photographes déjà cités, des artistes en leurs ateliers comme Pierre Alechinsky, James Ensor, César, le maître Saul Steinberg, son complice Milton Glaser ou David Hockney, le monde du cinéma avec Federico Fellini, Yves Montand, Woody Allen. C'est toute la vie de Jean-Michel Folon qui nous est contée en filigrane de cette très belle exposition et celle des arts à son époque.

Federico Fellini. (c) Fondation Folon,  ADAGP, Paris, 2018.


Publications

Un très beau catalogue cartonné reprend, en simple ou double page, sur un élégant papier crème, les photos de l'exposition. "Folon Photos Graphiques" commence par un intéressant avant-propos de Philippe Garnier (Les Cahiers dessinés, 128 pages). Car s'il en était un, l'expo en témoigne, Folon ne se considérait absolument pas comme un photographe.

Le début du catalogue peut être feuilleté ici.


Travail important, le recueil en grand format "Folon Humour blanc" (Les Cahiers dessinés, 256 pages), préfacé par Frédéric Pajak qui réinstalle Folon à la place qu'il mérite, réunit les dessins au trait de l'artiste, publiés dans la presse notamment. Le préfacier retrace le chemin difficile de l'artiste jeune vers la publication de ses dessins d'humour avant qu'ils ne soient consacrés à partir des années 60 par la presse internationale.

Ces dessins, Folon a complètement abandonné l'idée d'en réaliser à la fin de sa vie, leur préférant la sculpture et la peinture monumentale. On ne s'étonne donc pas que les originaux aient été retrouvé sous une pile de linge dans la salle de bains. Lui-même n'a jamais chercher à les éditer en livre. Il les trouvait sans intérêt. Ce n'est évidemment pas l'avis de Frédéric Pajak, et ce ne sera pas celui de tous ceux qui les découvriront dans ce gros volume en blanc, où la plume d'encre noire de Folon pose ses fins traits observateurs, poétiques, délicats, drôles, dans sa manière bien reconnaissable et dans les thèmes qui ne le quitteront jamais. Tout était déjà là.

Quelques exemples.

HUMOUR BLANC. (c) Fondation Folon, Adagp, Paris, 2018.

HUMOUR BLANC. (c) Fondation Folon, Adagp, Paris, 2018.

HUMOUR BLANC. (c) Fondation Folon, Adagp, Paris, 2018.

HUMOUR BLANC. (c) Fondation Folon, Adagp, Paris, 2018.

HUMOUR BLANC. (c) Fondation Folon, Adagp, Paris, 2018.

HUMOUR BLANC. (c) Fondation Folon, Adagp, Paris, 2018.


Pratique
L'exposition "Folon Photos Graphiques" se tient jusqu'au 25 novembre à la Fondation Folon (drève de la Ramée, 6A I B-1310 La Hulpe, info et réservations +32 (0)2 653 34 56  info@fondationfolon.be www.fondationfolon.be),  du mardi au vendredi  de 9 à 17 heures, le weekend  de 10 à 18 heures.













dimanche 27 mai 2018

A table! La cuisine sous trois formes

Ceinture noire de popotte


Ce qui est bien aux grandes vacances, quand on est un enfant, c'est qu'on peut se vautrer devant la télé et se goinfrer de poisson pané. Normal, les parents travaillent... Mais il arrive que Maman découvre le bon plan et décide d'y mettre fin. C'est ce qui est arrivé au narrateur de l'impeccable album de Stéphane Nicolet, "Comme chez Mémé" (Les P'tits Bérets, 48 pages). Le gamin a eu le choix entre aller au centre de loisirs et chez Mémé! Bingo! L'option Mémé a vite été choisi et l'album nous présente joyeusement les huit jours de ce séjour.

Le narrateur nous partage son journal quotidien, entre croquis et recettes, car c'est cet été-là qu'il a appris la cuisine. Et pas avec n'importe qui. Avec un cordon bleu, mieux, avec la "ceinture noire de popotte"! L'album est super plaisant à lire, bourré d'humour et d'observations qui font rire, farceur et documentaire à la fois. Elle est trop sympa, cette Mémé, de face comme de dos, avec ses super-pouvoirs (tricoter, regarder les séries policières de la télé, cuisiner avec rien...), ses jugements bien sentis (les lapins sont des "saloperies" pour elle) et ses armes secrètes.


Rouleaux de printemps en été. (c) Les P'tits Bérets.

Au fil des journées, on découvre la vie au village, ses habitudes, le passage du camion, le journal partagé et la visite de la postière, et celle de Mémé, voyage en car en forêt, congélateur garni, courses au supermarché en tracteur, jardinage... En parallèle, on apprend mille choses utiles en cuisine (citron vert, combava, saucisse morteau, cancoillotte, tuer le coq, galettes de riz) ou pas (le dodo de la Réunion, le chemin vers le lavoir, le baromètre chevreuil) et on voit comment réaliser des recettes super appétissantes et superbement expliquées (Rougail Morteau, Mont d'Or chaud et dips, Röstiburgers, Tchoutchouka, Rouleaux de printemps, Truite, Croûtes aux Morilles (ou pas), Tarte au goumeau, Fondue).

La semaine s'est bien déroulée. (c) Les P'tits Bérets.

Cette semaine de gastronomie mondiale a la campagne a un charme fou, grâce au ton facétieux et positif du narrateur et aux illustrations amusées et amusantes de l'auteur-illustrateur. Verdict: tous chez Mémé aux prochaines vacances! A partir de 6 ans.


Voyage gourmand à travers le temps


Comment mangeait-on avant? C'est la question à laquelle répond l'encyclopédie illustrée "L'histoire de la cuisine, du mammouth à la pizza" de Stéphanie Ledu et Stéphane Frattini, illustrée par Claire de Gastold (Milan, collection "Les P'tits docs", 80 pages et un signet). Balayant les différentes époques, elle retrace l'histoire de l'alimentation.

On commence chez les Cro-Magnon, on cuit ce qu'on pêche et chasse, on cueille. Plus tard, on va planter, cultiver, conserver. On arrive sur les rives du Nil il y a 3.000 ans, dans la Grèce antique, chez les Gaulois, chez les Romains... On va visiter toutes les époques successivement, apprendre les nouveautés de chaque temps, façons de faire, épices et recettes, et aboutir aux différentes habitudes de s'alimenter contemporaines. A partir de 5 ans.


Cuisiner facile au quotidien


Trouver un livre qui s'intitule "Le grand livre des recettes super simples" (Editions Atlas, 384 pages) et vous donne autre chose que la recette de l'omelette à la ciboulette, c'est formidable! Car les 180 recettes présentées sont non seulement faciles à faire mais originales. Et bien expliquées étape par étape par des séquences photos. Complétées chaque fois d'astuces et de variantes. Un guide toutes saisons partagé en quatre parties: entrées, poissons et viandes, accompagnements, desserts.

Quelques recettes qui m'ont intéressée:
Entrées: Bonbons de chèvre sur lit de salade, Flans de tomates au basilic, Tartare de légumes à la feta.
Poissons et viandes: Aiguillettes de canard au poivre vert, Cabillaud aux lentilles, Pétoncles gratinés au curry, Tranches de gigot aux épices
Accompagnements: Aubergines en rondelles gratinées, Lasagnes aux courgettes et au chèvre, Quinoa aux champignons des bois.
Desserts: Cheesecake aux framboises, Crumble aux pêches et amandes, Mousse aux framboises.
Tous aux fourneaux!





vendredi 25 mai 2018

Lauréates et sélections du prix Farniente


Les deux lauréates du Prix Farniente 2018, prix littéraire organisé en Belgique s'adressant aux adolescents de 12 à 16 ans,  à peine connues, voici déjà les sélections pour la mouture 2019.



Les lauréates 2018


Prix Victor (13+)


Elia, la passeuse d'âmes, t. 1
Marie Vareille
PKJ, 2016
315 pages

Une société divisée en trois castes qui ne peuvent se mélanger et où la liberté individuelle est supprimée. Elia y est passeuse d'âmes. Sans émotion, elle doit éliminer les éléments devenus un poids pour la communauté: les vieux, les malades, les rebelles. Pourtant un jour son univers se fissure quand elle n'exécute pas un jeune révolté appartenant à la caste la plus vile. Ce geste l'entraînera dans une véritable descente aux enfers où toutes ses valeurs seront bouleversées et où seules, sa force morale et sa détermination à aller jusqu'au bout d'elle-même lui permettront de survivre.

Prix Evasion (15+)

Le sel de nos larmes
Ruta Sepetys
traduit de l'anglais par Bee Formentelli
Gallimard Jeunesse
Scripto, 496 pages, 2016
Pôle fiction,  2018

Hiver 1945. Alors que l'armée soviétique progresse à l'Est, des milliers de réfugiés tentent de rejoindre l'Ouest de l'Allemagne. Parmi ces réfugiés, quatre adolescents de quatre pays différents, chacun hanté par sa propre guerre. Tous désirent embarquer sur le navire W. Gustloff, promesse de liberté. Tous auront à affronter le froid, la faim, les bombes. Une terrible tragédie maritime mais aussi une histoire d'amour.


Les sélections 2019


Catégorie 13 ans et +



Inséparables
Sarah Crossan
traduit de l'anglais par Clémentine Beauvais
Rageot, 2017
416 pages

Grace et Tippi. Tippi et Grace. Deux sœurs siamoises, deux ados inséparables, entrent au lycée pour la première fois. Comme toujours, elles se soutiennent face à l'intolérance, la peur, la pitié. Et, envers et contre tout, elles vivent! Mais lorsque Grace tombe amoureuse, son monde vacille. Pourra-t-elle jamais avoir une vie qui n'appartienne qu'à elle?


Tous les oiseaux savent
Claire Mazard
Oskar, 2017
180 pages

​Extrait: "Une roucoulade à présent. Elle s'éternise, puis s'arrête, reprend. Un rossignol philomèle? Un merle noir? Cet oiseau, je le sais, chante pour moi. Comme tous les oiseaux du jardin. Youyous, cacatoès, perruches... Tous savent que j'aimerais être dehors avec eux. Ils déplorent mon emprisonnement. Ils m'appellent. Emmy! Viens avec nous, petite Emmy!"


Flora Banks
Emily Barr
traduit de l'anglais par Julie Sibony
Casterman, 2017
370 pages

Flora, 17 ans, souffre d'amnésie depuis l'opération qu'elle a subie à l'âge de dix ans. Elle n'a aucune mémoire à court terme. Après deux ou trois heures, elle oublie tout et, pour se souvenir, doit sans cesse relire son cahier, ses nombreux post-it et même son bras où tout ce qui important est noté. Mais le jour où Drake l'embrasse, tout bascule car elle se souvient! Elle va alors tout tenter pour retrouver ce garçon, jusqu'à partir seule pour le rejoindre au Spitzberg.


Pax et le petit soldat
Sarah Pennypacker
traduit de l'anglais par Faustina Fiore
illustré par John Klassen
Gallimard Jeunesse, 2017
312 pages
Prix Sorcières 2018 en catégorie carrément passionnant mini

La guerre est imminente. Lorsque le père de Peter s'engage dans l'armée, il oblige son fils à abandonner Pax, le renard qu'il a élevé depuis le plus jeune âge et envoie le garçon vivre chez son grand-père à cinq cent kilomètres de là. Mais Peter s'enfuit à la recherche de son renard. Pendant ce temps, Pax affronte seul les dangers d'une nature sauvage et se trouve confronté à ceux de son espèce. Un garçon et son renard que la vie sépare, l'histoire d'une indéfectible amitié.


L'effet ricochet
Nadia Coste
Seuil Jeunesse, 2017
312 pages

Dans un futur proche, le clonage est devenu le seul mode de reproduction possible. Mais derrière cette procédure banale se cache un secret qui pourrait menacer la vie de Malou... Le jour où sa petite sœur se casse le bras, Malou, 16 ans, réalise qu'elle, ses sœurs et leur mère ont connu les mêmes accidents et les mêmes problèmes de santé, exactement aux mêmes âges. Ça ne peut pas être une coïncidence...  Malou découvre qu'il s'agit de "Ricochets", une anomalie qui condamne certaines lignées de clones à subir les mêmes maladies et accidents. Et Malou et ses sœurs doivent se préparer à bien plus qu'un bras cassé: leur mère a sombré dans la folie à l'âge de trente ans... Malou parviendra-elle à trouver le remède aux Ricochets?


Catégorie 15 ans et +



L'aube sera grandiose
Anne-Laure Bondoux
Gallimard Jeunesse, 2017
297 pages
Prix Vendredi 2017
lire ici

​Prenante épopée familiale sur trois générations.


La noirceur des couleurs
Martin Blasco
traduit de l'espagnol (Argentine) par Sophie Hofnung
l'école des loisirs, 2017
256 pages

Buenos Aires, 1885. Cinq bébés sont enlevés dans un quartier immigré de la ville. Buenos Aires 1910. Une jeune femme réapparaît au domicile de ses parents d'où elle avait été enlevée vingt-cinq ans plus tôt. Elle est amnésique. Ses parents contactent un journaliste, Alejandro, qui va se pencher sur le mystère de cette incroyable disparition et découvrir une histoire aussi sombre qu’inattendue! Un thriller où alternent l'enquête du journaliste et le journal du savant ayant opéré ce projet expérimental monstrueux.


Je suis ton soleil
Marie Pavlenko
Flammarion Jeunesse, 2017
466 pages

Déborah entre en terminale et doit se préparer pour le bac. Mais des nuages lui cachent le soleil: elle n'est plus dans la même classe que son amie Eloïse, ses parents se séparent et sa mère déprime! Heureusement, Déborah se lie d'amitié avec Jamal, sa  mygale Gertrude, et le beau Victor!


Toute la beauté du monde n'a pas disparu
Danielle Younge-Ullman
traduit de l'anglais par Laetitia Devaux
Gallimard Jeunesse
Scripto, 2017
369 pages
Ingrid ne comprend pas ce qu'elle fait dans ce trek au beau milieu de la nature la plus sauvage. Sac au dos, dans la chaleur et les moustiques, elle tente de faire face. Aux conditions extrêmes, aux adolescents perturbés qui l'accompagnent, à son passé qui la rattrape. Comment sa mère adorée a-t-elle pu lui imposer cette épreuve? Jusqu'où lui faudra-t-il repousser ses limites? En pleine tourmente, Ingrid nous fait vivre l'aventure à laquelle rien ne l'a préparée, tout en nous dévoilant son passé et le drame qui l'a propulsée là. 


Jusqu'ici tout va bien
Gary D. Schmidt
traduit de l'anglais par Caroline Guilleminot
l'école des loisirs, 2017
368 pages

​Dans les années 60, Doug, jeune ado, déménage dans une petite ville insignifiante de l'état de New York, qu'il déteste aussitôt. Sa famille ne lui apporte aucun soutien, car entre un père faible et alcoolique, une mère découragée, un frère agressif, un autre frère gravement blessé au Vietnam, il ne peut compter que sur lui-même. Mais peu à peu, grâce à Lil, à un bibliothécaire qui l'initie au dessin avec ses planches d'oiseaux et avec l'aide des habitants, Doug pourra s'épanouir et "aller là où il veut aller".


Informations supplémentaires sur le prix Farniente ici.




mercredi 23 mai 2018

La très belle histoire des carnets de Lieneke

Lieneke, la benjamine de la famille Van der Hoeden.

Dimanche matin sur France Inter, Eva Bester rappelait dans son excellente émission "Remède à la mélancolie" - où elle invitait Scholastique Mukasunga - un merveilleux petit coffret de livres pour enfants, "Les carnets de Lieneke" (Jacob Van der Hoeden, traduit du néerlandais par Matthias E. Kail, Agnès Desarthe, L'école des loisirs, 9 carnets + 1 dans un coffret). Excellent choix que cette trouvaille publiée en français dans sa présentation d'origine fin 2007, il y a dix ans!

"Les carnets de Lieneke", c'est un petit coffret de couleur crème, avec un titre en forme d'étiquette et le dessin d'un poussin sortant de son œuf. Un objet qui plaît immédiatement. A l'ouverture du coffret, on découvre neuf ravissants petits carnets (9,5 x 14,5 cm), au look ancien, reliés d'un simple brin rouge. Un dixième mini-cahier les complète, qui raconte leur histoire.

Les différents carnets.

 (c) l'école des loisirs.
Car Lieneke a existé. Dernière d'une fratrie, elle vivait en Hollande avec ses parents, son frère et ses sœurs. Elle avait six ans quand la guerre a éclaté. Elle n'était pas une petite fille comme les autres, elle était juive. "Assez vite, notre vie est devenue compliquée", écrit Agnès Desarthe qui a pris la plume pour raconter l'histoire de Lieneke dans le dixième carnet. Son père ne travaille plus à l'hôpital mais à la maison. Les premières déportations ont lieu. La famille part se cacher à la campagne, séparément, sous un autre nom. Lieneke s'en va d'abord avec son père et sa sœur Rachel. Puis se retrouve seule dans une famille. Elle n'a que dix ans. Pour la soutenir dans sa tristesse et sa solitude, son père, résistant, lui envoie en cachette des petits carnets écrits et illustrés de sa main, joyeux, blagueurs, avec des nouvelles codées de la famille.

(c) l'école des loisirs.
La règle était de les détruire mais les parents adoptifs de Lieneke n'ont pu s'y résoudre. C'est ainsi qu'il nous est donné de prendre connaissance aujourd'hui de ces extraordinaires témoignages d'amour d’un père pour sa petite fille. Les carnets originaux sont conservés en Israël, où Agnès Desarthe les a découverts lors d'un séminaire. "L'organisatrice, qui savait que j'écrivais des livres pour enfants", explique-t-elle, "me les a montrés et m'a demandé si je pensais qu'on pourrait en faire un livre." La réponse est là, belle, précieuse, infiniment touchante. Pour enfants, ados et adultes.

Le carnet 3. (c) l'école des loisirs.

lundi 21 mai 2018

Construire un principe d'hospitalité

Quelques-uns des signataires de l'appel de Saint-Malo.

On sait les acteurs de la littérature, auteurs, illustrateurs, éditeurs, libraires, engagés dans la cause des réfugiés. Hier, dimanche 20 mai, les auteurs, réalisateurs et artistes invités au 29e festival "Etonnants Voyageurs" de Saint-Malo ont rendue publique leur "Déclaration".

La voici.



Oser la fraternité.

En prolongement de cette déclaration, on lira si ce n'est déjà fait car le livre est sorti le 3 mai, l'ouvrage collectif "Osons la fraternité!" (Editions Philippe Rey, 320 pages), publié sous la direction de Patrick Chamoiseau et Michel Le Bris avec le soutien du Festival Etonnants voyageurs. Trente écrivains y ont pris la plume pour se mettre aux côtés des migrants. Et ils versent leurs droits d'auteurs au Gisti (Groupe d'information et de soutien aux immigrés). Un acte artistique d'engagement qui montre leur volonté de contribuer à un monde plus altruiste.

Le livre commence par un texte de Patrick Chamoiseau et Michel Le Bris rappelant la photo du petit Aylan, qui a donné lieu ici et là à l'"instant Aylan". Mais depuis? "Notre niveau de conscience individuée", écrivent-ils, "nous rend tous responsables. Nous savons. Nous voyons. Nous entendons. Nous lisons. Nous constatons. Nous sommes comptables autant de ce que nous faisons que de ce que nous ne faisons pas."  Ils poursuivent en pointant le "déshumain" qui s'ajoute aujourd'hui au dialogue entre l'humain et l'inhumain.

Les trente écrivains à oser la fraternité sont: Kaouther Adimi, Tahar Ben Jelloun, Pascal Blanchard, Patrick Boucheron, Patrick Chamoiseau, Velibor Čolić, Céline Curiol, Mireille Delmas-Marty, Ananda Devi, Laurent Gaudé, Raphaël Glucksmann, Christelle Labourgade, Lola Lafon, Michel Le Bris, Jean-Marie Gustave Le Clézio, Claudio Magris, Léonora Miano, Maya Mihindou, Anna Moï, Gisèle Pineau, Jean Rouaud, Lydie Salvayre, Elias Sanbar, Boualem Sansal, Felwine Sarr, Christiane Taubira, Sami Tchak, Chantal Thomas et Gary Victor.

Leurs contributions suivent l'ordre alphabétique de leurs noms dans l'ouvrage. Ce placement où alternent textes de plusieurs pages et d'une demi, comme celle de Jean Rouaud, crée toutefois une dynamique intéressante où sont successivement mis en lumière divers aspects de la condition de migrant. La force de la littérature en plus.
"Seigneur dites seulement une parole
Et le peuple qui marche sur l'eau
aura la terre ferme sous ses pieds
Un toit pour ne pas mêler ses larmes aux vagues
Et une table d’hôte à l’enseigne de notre
Inhumaine humanité"
Jean Rouaud in "Osons la fraternité"

Bien sûr, on réagira davantage à l'un ou l'autre texte selon sa sensibilité prorpre mais l'ensemble est formidable. En espérant qu'il secoue un peu le cocotier de l'indifférence suffisante de nos pays riches.

Quelques exemples. Kaouther Adimi nous scotche avec son texte de refus du statut de réfugiée à une femme algérienne - en plus, il vient en première position. Tahar Ben Jelloun s'amuse en organisant la fuite des mots étrangers du dictionnaire de la langue française - comment faire sans eux? Pascal Blanchard rappelle les différentes expulsions d'émigrés aux Etats-Unis. Patrick Boucheron reprend son allocution au programme PAUSE (Programme d'aide en urgence des scientifiques en exil). Patrick Chamoiseau évoque les gouffres, Lampedusa et autres. Velibor Čolić, réfugié lui-même, traite d'exils et d'exilé(e)s. Ananda Devi raconte une fabuleuse naissance. Laurent Gaudé pose des mots de poésie sur des peintures de Christelle Labourgade. Raphaël Glucksmann nous partage son Calais. Lola Lafon aborde la question de l'adaptation. J.-M. G. Le Clézio donne le texte qu'il avait prononcé sur France Inter un matin d'octobre 2017 (lire ici). Claude Magris et Léonora Miano nous entraînent dans le futur. Achille Mbembe rappelle l'humanité des migrants. Anna Moï évoque le Vietnam et ses guerres grâce à un bol de "pho". Gisèle Pineau dénonce l'esclavage sexuel enduré par les migrants à travers une jeune Haïtienne. Lydie Salvayre évoque les deux vies de sa mère, en Espagne et en France. Elias Sanbar rappelle le destin de deux frères, réfugiés palestiniens. Boualem Sansal parle d'Akli, cet idiot devenu combattant radicalisé. Felwine Sarr suit le chemin d'un migrant sénégalais. Christiane Taubira celui de Nzuri Mwezi et Açaï, "amies d'euphorie". Sami Tchak celui de Mawalou, homme à deux figures. Chantal Thomas témoigne du sort des migrants à Paris. Gary Victor cogne fort aussi avec son Haïtien dont les fils rêvaient du Chili.

L'ouvrage s'achève sur une "Déclaration des poètes" rédigée par Patrick Chamoiseau, un "Manifeste pour une mondialité apaisée" par Mireille Delmas-Marty et des dessins de Maya Mihindou composant "La marche des géants".

"Osons la fraternité!" nous fait sortir de notre zone de confort et crée l'espoir car nous sommes plus nombreux qu'on croit à vouloir rendre leur humanité et leur dignité aux migrants et demandeurs d'asile.


Les prix littéraires remis à Saint-Malo durant le festival

  • Prix Ouest-France Etonnants Voyageurs: Ananda Devi pour "Manger l'autre" (Grasset)
  • Prix Littérature-Monde: Mohamed Mbougar Sarr pour "Silence du chœur" (Présence Africaine) et Einar Mar Gudmundsson pour "Les Rois d'Islande" (traduit de l’islandais par Éric Boury, Zulma)
  • Prix Joseph Kessel de la SCAM: Marc Dugain pour "Ils vont tuer Robert Kennedy" (Gallimard)
  • Prix Robert Ganzo de poésie: Patrick Laupin pour l'ensemble de son œuvre poétique
  • Prix Nicolas Bouvier: Andrzej Stasiuk pour "L'Est" (traduit du polonais par Margot Carlier, Actes Sud)
  • Prix Gens de Mer: David Fauquemberg pour "Bluff" (Stock)
  • Prix de l'Imaginaire: Sabrina Calvo pour "Toxoplasma" (La Volte) pour le roman francophone et James Morrow pour "L'Arche de Darwin" (traduit de l'anglais par Sara Droke, Au Diable Vauvert) pour le roman étranger